Allégement réglementaire (Regulatory Streamlining)

Loraine Tellier-Cohen, Analyste-conseil
Ministère du Conseil exécutif du Québec

loraine.tellier-cohen@mce.gouv.qc.ca

L'expression allégement réglementaire fait référence à la réduction du poids de la réglementation et des formalités qui en découlent et dont l'application et la conformité représentent une lourde charge administrative et financière pour les entreprises, les individus et les administrations publiques.

L'allégement réglementaire peut impliquer la révision en profondeur et la simplification de régimes juridiques et réglementaires ou d'une seule loi ou réglementation, l'élimination, l'abrogation, la modification et l'harmonisation d'articles ou de dispositions réglementaires ainsi que l'assouplissement des procédures. L'allégement réglementaire s'exprime quantitativement par la diminution globale du volume des textes législatifs et réglementaires et par la réduction significative du nombre de formalités (autorisations, permis, enregistrements, rapports à produire, registres à tenir, dossiers à constituer) et des coûts engendrés par le respect de la réglementation.

L'expression allégement réglementaire s'est imposée dans la foulée des travaux entrepris pour résoudre le problème du fardeau réglementaire issu de l'intervention croissante de l'État dans les sociétés modernes d'après-guerre. La remise en cause de l'ampleur de l'intervention étatique se manifeste, dans les pays occidentaux, au cours des années 1980. Elle s'inscrit dans la logique du néolibéralisme de l'époque qui favorise la levée des obstacles réglementaires à « la liberté des acteurs » et au « libre jeu du marché ». Cette conjoncture entraîne la déréglementation des secteurs économiques concurrentiels tels que les secteurs bancaires et des transports. Toutefois, cette mesure soulève la critique : la déréglementation favoriserait le secteur privé au détriment de l'intérêt général et constituerait un facteur d'instabilité économique. De plus, comme la loi du marché ne parvient pas à optimiser le fonctionnement de l'économie et de la société et que la réglementation de la concurrence s'avère souvent nécessaire, de nouvelles solutions devaient être imaginées pour résoudre le problème.

Considérant la lourdeur et la complexité de l'administration des règlements et du processus réglementaires qui affectaient les entreprises et la croissance économique, les pays occidentaux ont réagi en mettant au point des stratégies de réforme réglementaire appropriées. Les administrations publiques ont alors accordé une priorité à l'allégement des réglementations qui entravaient inutilement la concurrence, l'investissement, l'innovation et le développement des entreprises. Parallèlement, elles ont cherché à réduire les charges administratives découlant des obligations réglementaires. Cette orientation annonçait l'adoption de mesures portant à la fois sur la révision et l'allégement de la réglementation existante, la réduction des répercussions de la nouvelle réglementation sur les entreprises, la coordination des diverses réglementations et l'offre de services gouvernementaux permettant de simplifier les procédures administratives.

Bien que la réglementation ait fait l'objet d'efforts d'allégement dans la plupart des pays occidentaux depuis une trentaine d'années, l'expression allégement réglementaire a principalement été consacrée par le gouvernement du Québec.

C'est à la suite du Sommet sur l'économie et l'emploi de 1996 que la terminologie du gouvernement du Québec s'est enrichie de cette expression. Dès lors, elle a été retenue pour désigner les groupes conseils sur l'allégement réglementaire (1997, 1999 et 2002), l'unité de soutien à la réforme réglementaire, le Secrétariat à l'allégement réglementaire (1998) – en remplacement du Secrétariat de la déréglementation (1995) – ainsi que la politique gouvernementale sur l'allégement réglementaire et administratif. Adoptée en 1996 par voie de décret concernant les « Règles sur l'allégement des normes de nature législative ou réglementaire » qui en constituent le fondement, la politique réglementaire du Québec porte essentiellement sur la révision et l'allégement de la réglementation existante et sur l'évaluation et l'allégement des effets des projets de loi et de règlement sur l'économie et les entreprises québécoises.

Les vocables utilisés pour témoigner de l'approche adoptée en matière de réforme réglementaire varient en fonction des problématiques, des préoccupations et des valeurs dominantes. À cet égard, les dispositions relatives à l'allégement réglementaire sont aussi fréquemment désignées par les termes rationalisation, réduction et simplification de la réglementation et des formalités administratives (communément désignées sous le vocable paperasserie). Le terme déréglementation qui implique l'élimination de la contrainte réglementaire, au même titre que le recours à des solutions de rechange à la réglementation, apparaît dans cette optique comme une mesure ultime d'allégement réglementaire.

Il revient à l'État de réglementer dans l'intérêt public. Dans quelle mesure cependant doit-il exercer ce droit, ce pouvoir et cette responsabilité? Alors que l'État-providence pratiquait un interventionnisme ambitieux, le courant de libéralisme économique et les contraintes financières de la fin du XXe siècle ont favorisé un État plus discret qui s'en remet davantage à la loi du marché pour assurer la croissance économique. Issue de ce courant de pensée, l'expression allégement réglementaire transmet l'idée que l'État désire réduire son corpus législatif et réglementaire et qu'il s'engage à moins réglementer.

Toutefois, l'exercice d'allégement réglementaire conduit inévitablement à l'obligation de mieux réglementer pour éviter les chevauchements, les dédoublements, la désuétude et les effets négatifs et accroître la transparence de la réglementation. À cette fin, la plupart des pays occidentaux se sont dotés de politiques axées sur l'amélioration de la qualité réglementaire et plusieurs gouvernements anglo-saxons ont adopté l'expression better regulation pour qualifier leur approche réglementaire.

À l'heure actuelle, les gouvernements sont confrontés à de nouvelles pressions réglementaires, légitimes, qui s'exercent avec force dans de multiples domaines : l'environnement, les nouvelles technologies, les marchés financiers, la protection des épargnants et celle des consommateurs par exemple. Dans ce contexte, il ne s'agit plus seulement de viser la révision, la réduction et la bonification de la réglementation. Il faut assurer une meilleure protection au meilleur coût et intégrer une nouvelle culture d'imputabilité en cette matière afin d'accroître l'efficacité et l'efficience du système de gestion réglementaire. Dans cette perspective, l'allégement réglementaire désigne la première étape du processus de développement de la gouvernance réglementaire.

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Reproduction
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Pour citer
Tellier-Cohen, L. (2012). « Allégement réglementaire », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)