Management public (Public Management)

Nicolas Charest, Coordonnateur à la veille
École nationale d'administration publique

nicolas.charest@enap.ca

Le management public consiste en un ensemble de processus et d'outils visant à atteindre une performance optimale d'une organisation vouée au service public.

Cette brève définition, simple au premier abord, recèle plus de difficultés qu'il n'y paraît. Un examen plus approfondi permet de constater que les racines historiques et idéologiques marquent encore les pratiques contemporaines inspirées du management et que de nombreux enjeux demeurent sous-jacents à cette notion.

D'un point de vue historique, le management public prend racine dans les années 1970 et 1980 au moment où le discours néolibéral, dénigrant à la fois les interventions de l'État et la qualité de la gestion au sein des administrations publiques, prend de l'ampleur. Ce discours véhicule notamment la supériorité des méthodes de gestion du secteur privé au détriment de celles du secteur public. L'attrait est grand pour l'adoption des pratiques du secteur privé, d'autant plus qu'elles sont perçues comme un élixir pour les problèmes vécus par les administrations publiques (Rainey, 1990, p .166). Cette perception force la redéfinition de l'administration publique et de la bureaucratie wébérienne traditionnelle (Auby, 1996, p. 3; Hood, 2005, p. 14; Parenteau, 1994, p. 5-8; Rainey, 1990, p. 157). Or cette redéfinition entraîne inévitablement des tensions entre deux rationalités, celle managériale d'une part et celle juridico-administrative d'autre part, tensions qui provoquent un choc entre le culte de la performance et le respect des règles et des procédures et qui s'apaisent lorsque le management perd certains aspects de la rationalité du privé, dont la notion de profit, pour en acquérir de la rationalité du public, par exemple, l'équité. Le management devient alors public (Payette, 1992, p. 8) et dorénavant l'État gère, il n'administre plus (Savoie cité dans Payette, 1992, p. 5-6).

Les administrations publiques mettent l'accent sur la recherche de performance. Cette notion devient centrale en management public, tant dans la recherche que dans la pratique. D'autres notions l'accompagnent telles que la délégation de pouvoir et ses corollaires, l'imputabilité ou l'efficience. L'expression anglophone Let managers manage résume bien cette philosophie propre au management public.

Au moment même où le management s'implante dans les administrations publiques, le terme prend aussi racine dans le champ de la recherche. Des écoles, des revues, des programmes de formation ajoutent management à leur appellation (Bartoli, 2009, p. 29; Pitts et Fernandez, 2009, p. 400; Pollitt et Bouckaert, 2000, p. 9-10; Rainey, 1990, p. 163).

Le management public puise sa source dans plusieurs disciplines des sciences sociales : science politique, sociologie, anthropologie, etc. (Jones, 2005, p. 19; Bartoli, 2009, p. 27). Celles-ci ont toutes une histoire qui leur appartient, un cheminement théorique particulier et une base méthodologique quasi exclusive. Il constitue une discipline jeune qui n'est pas encore parvenue à intégrer complètement les apports respectifs des sciences sociales. Contrairement à d'autres disciplines, il ne possède pas un noyau dur sur le plan théorique qui n'est pas ou peu contesté et qui guide l'ensemble des travaux dans le domaine. Le management public ne possède pas non plus un ancrage méthodologique propre partagé par une majorité de chercheurs. Il s'agit davantage d'une juxtaposition de chercheurs partageant des intérêts communs sur un objet de recherche que d'un véritable champ de connaissances dans lequel les chercheurs travaillent sur un objet commun avec une perspective commune.

Si cet état procure un avantage, soit la possibilité de percevoir une situation selon plusieurs perspectives, ainsi, un problème de gestion peut être analysé à la fois dans une perspective politique ou encore avec une lorgnette anthropologique (Jones, 2005, p. 19). Il peut aussi se traduire par des problèmes de définitions du champ disciplinaire et présenter des entraves à l'essor de la discipline. En effet, ce manque d'unité pourrait soulever des questions d'identité.

État de la recherche

Pour Hood, il est possible de se représenter la recherche en management public sur un continuum qui s'étend des écrits normatifs de gourous à des écrits se réclamant de la science traditionnelle, utilisant des méthodes de recherches reconnues (Hood, 2005, p. 19). Entre ces deux pôles, plusieurs approches et plusieurs méthodes de recherche coexistent. Les recherches abordent aussi un large éventail de thématiques. Mais comment apprécier les écrits en management public? Hood suggère qu'une science, dans le sens d'analyse systématique d'un domaine, doit accomplir trois tâches : établir une cartographie du phénomène qu'elle souhaite étudier afin de pouvoir le décrire en détail, procéder à la collecte de données robustes (hard data) et cerner les anomalies qui peuvent inciter à revoir la façon de voir le monde. Selon lui, le management public a réalisé ces trois tâches, notamment dans l'étude des réformes administratives. Il évoque aussi l'importance des travaux de cartographie d'un domaine. Des recherches descriptives de haut niveau sont indispensables à la poursuite d'une théorisation d'une discipline. Il reconnaît par le fait même la qualité des écrits descriptifs en management public. Hood accorde également une appréciation favorable au management public qui a su faire surgir de nombreux paradoxes ou anomalies qui accompagnent la mise en œuvre de réformes administratives (Hood, 2005, p. 20-22). Pour leur part, Pitts et Fernandez soutiennent que la prochaine étape dans l'examen de la recherche en management public est celle de la mesure de la qualité méthodologique des recherches. Ils notent par ailleurs une diminution des recherches consacrées à la question de la performance au cours des dernières années (Pitts et Fernandez, 2009, p. 414).

Apports et complémentarité

L'une des caractéristiques marquantes du management public est le changement de centre d'intérêt qu'il provoque. Le management public fournit un éclairage sur des objets que l'administration publique wébérienne laisse dans l'ombre : performance, efficience, résultats… En mettant l'accent sur des aspects inexplorés de l'administration publique, le management public force tant les chercheurs que les praticiens à porter un regard neuf sur les façons de gérer l'État, de rendre les services aux citoyens et de concevoir les outils d'intervention de l'État.

Le management public amène une nouvelle façon de voir et de concevoir la manière de gérer la chose publique. Évidemment, ce mouvement contient une forte dimension idéologique et, par conséquent, porte en lui le germe d'une intolérance récusant toute diversité intellectuelle (Hood, 2005, p. 23). Cependant, considérant les relations entre le management public et l'approche traditionnelle, ou wébérienne, de l'administration publique, ces deux approches ne sont pas nécessairement incompatibles; elles sont plutôt deux façons complémentaires d'observer un même objet (Gow et Dufour, 2000, p. 700).

Le management public a fouetté l'administration publique, tant comme champ disciplinaire que comme pratique. En l'espace de quelques années, il s'est répandu dans la plupart des administrations publiques, pays développés et pays en développement confondus. Or son application ne se fait pas de façon uniforme et la pluralité des réponses montre que les forces locales ont encore leur mot à dire.

Bibliographie

Auby, J.-F. (1996). Management Public : Introduction générale, Paris, Sirey.

Bartoli, A. (2009). Management dans les organisations publiques, Paris, Dunod.

Gow, J. I. et C. Dufour (2000). « Le nouveau management public est-il un paradigme? Cela a-t-il de l'importance? », Revue internationale de sciences administratives, vol. 66, no 4, p. 679-707.

Hood, C. (2005). « Public Management: The Word, the Movement, the Science », dans E. Ewan, L. E. Lynn Jr. et C. Pollitt (dir.), The Oxford Handbook of Public Management, Oxford, Oxford University Press, p. 7-26.

Jones, L. R. (2005). « Understanding Public Management as an International Academic Field », International Public Management Review, vol. 6, n° 1, p. 15-22.

Parenteau, R. (1994). « Peut-on parler de management public? », dans G. Éthier (dir.), L'administration publique. Diversité de ses problèmes : complexité de sa gestion, Québec, Presses de l'Université du Québec, p. 3-20.

Payette, A. (1992). « Éléments pour une conception du management public », dans R. Parenteau (dir.), Management public : comprendre et gérer les institutions de l'État, Québec, Presses de l'Université du Québec, p. 3-24.

Pitts, D. W. et S. Fernandez (2009). « The State of Public Management Research: An Analysis of Scope and Methodology », International Public Management Journal, vol. 12, n° 4, p. 399-420.

Pollitt, C. et G. Bouckaert (2000), Public Management Reform: A Comparative Analysis, Oxford, Oxford University Press.

Rainey, H. G. (1990). « Public Management: Recent Developments and Current Prospects », dans N. B. Lynn et A. Wildavsky, Public Administration: The State of the Discipline, Chatham, Chatham House Publishers, p. 157-184.

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Reproduction
La reproduction totale ou partielle des définitions du Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique est autorisée, à condition d'en indiquer la source.

Pour citer
Charest, N. (2012). « Management public », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)

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