Déconcentration (Deconcentration)

Gérard Divay, Professeur
École nationale d'administration publique

gerard.divay@enap.ca

La déconcentration est un terme d'origine française qui réfère aux efforts successifs des administrations centrales à donner plus de poids aux échelons inférieurs. Ce processus est souvent englobé, notamment dans les textes anglais, sous le terme générique de décentralisation administrative, ce qui prête à confusion. Dans la décentralisation, le transfert de responsabilités passe des instances centrales aux organismes périphériques ayant leur propre personnalité juridique. Dans la déconcentration, il reste cantonné au périmètre organisationnel et consiste en un rééquilibrage de l'autorité et du pouvoir, les deux dans des proportions variables (Aucoin et Bakvis, 1988), entre la direction centrale et les autres unités administratives. La déconcentration et la décentralisation entretiennent des rapports ambigus; il est reconnu que les deux processus devraient en principe aller de pair pour se renforcer mutuellement (Diederichs et Luben, 1995).

La déconcentration peut se faire sur une base fonctionnelle, par exemple par la création d'une unité autonome de service, ou sur une base géographique en accordant une certaine capacité de décision autonome aux unités d'une administration réparties sur un territoire (Gélinas, 1975; Cour des comptes, 2003). Cette deuxième forme attire plus l'attention que la première dans un contexte où la décentralisation, politique et territoriale, est valorisée.

D'ailleurs, la déconcentration se voit recevoir des avantages en partie similaires à ceux de la décentralisation : connaissance plus approfondie des spécificités locales et des clientèles, meilleure adéquation des décisions aux contextes locaux, prise de décision plus rapide, contribution étatique à la dynamique des acteurs locaux et à leur concertation. Mais elle présente aussi des risques de perte d'uniformité, de relâchement des contrôles et d'esquive devant certains problèmes, par un renvoi mutuel de responsabilités entre niveaux hiérarchiques.

Dans les faits, la réalité des avantages dépend largement du degré d'autonomie des instances déconcentrées et celui-ci peut varier substantiellement sur le continuum (Aucoin et Bakvis, 1988) entre la concentration du pouvoir de décision au centre et l'autonomie décisionnelle des instances déconcentrées, sur les diverses dimensions de gestion (organisation, ressources, activités, relations externes). Les gestionnaires de première ligne sont d'ailleurs bien conscients de ne pas avoir le même degré d'influence sur ces diverses dimensions (Lonti, 2005).

Les critères qui peuvent guider le choix du degré d'autonomie ne donnent pas de prescriptions univoques ni convergentes. Aucoin et Bakvis (1988) énumèrent six regroupements : la coordination et l'intégration, l'uniformité et la standardisation, les économies d'échelle, les particularités et la spécialisation, la flexibilité et la réactivité, l'efficience et l'efficacité. L'application de ces critères doit tenir compte des technologies disponibles, notamment celles de l'information et de la communication, de la culture organisationnelle et des particularités de chaque territoire.

La mise en œuvre de tout processus de déconcentration se heurte à deux grandes sources de résistance (Brown, 1986; Aucoin et Bakvis, 1988). La première vient de l'administration par l'effet convergent de la réticence des directions centrales à perdre de leur contrôle, et des inquiétudes des fonctionnaires à perdre des avantages de localisation ou de mobilité professionnelle. La deuxième provient de la dynamique du système politique où le principe de la responsabilité ministérielle et les relations directes entre élus de divers niveaux rendent les dirigeants politiques centraux enclins à maintenir une attention pointue sur tout ce qui se passe sur le territoire. L'intérêt des médias tend d'ailleurs à renforcer cette tendance et à minimiser les responsabilités locales.

La déconcentration est d'abord un phénomène interne à chaque administration. Un processus de déconcentration, simultané et concerté dans plusieurs ministères, peut générer une modification des relations entre l'État et les territoires ainsi qu'une amélioration de l'intégration de l'action publique. Pour Albertini (1997), ce phénomène est un « passage d'une déconcentration octroyée par les administrations centrales, sectorielle dans son étendue et instrumentale dans sa conception, à une déconcentration assumée conjointement par les différents niveaux d'administration, interministérielle dans son contenu et managériale par sa méthode » (p. 2-3). Cette observation sur le cas français pourrait sans doute être faite dans d'autres contextes. La coordination de l'action publique territoriale s'effectue notamment par des mécanismes de concertation interministérielle, comme les conférences administratives régionales (CAR). Elle fait aussi appel à de multiples initiatives de concertation et de mobilisation des acteurs du milieu et suppose donc un arrimage entre instances déconcentrées et instances décentralisées.

La prépondérance de la décentralisation politique et territoriale dans les débats de société et dans les agendas gouvernementaux et internationaux explique sans doute le fort déséquilibre entre les recherches portant sur la déconcentration et sur la décentralisation.

Bibliographie

Albertini, J-B. (1997). La déconcentration territoriale dans la réforme de l'État, Paris, Economica.

Aucoin, P. et H. Bakvis (1988). The Centralization-Decentralization Conundrum: Organisation and Management in the Canadian Government, Halifax, The Institute for Research on Public Policy.

Brown, P. (1986). « Environment Canada and the Pursuit of Administrative Decentralization », Canadian
Public Administration
, vol. 29, no 2, p. 218-236.

Cour des comptes (2003). La déconcentration des administrations et la réforme de l'État, Paris, Les éditions des Journaux officiels.

Diederichs, O. et I. Luben (1995). La déconcentration, coll. Que sais-je?, Paris, Presses universitaires de France.

Gélinas, A. (1975). Les organismes autonomes et centraux de l'administration québécoise, Québec, Presses de l'Université du Québec.

Lonti, Z. (2005). « How Much Decentralization? Managerial Autonomy in Canadian Public service », American Review of Public Administration, vol. 35, no 2, p. 122-136.

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Reproduction
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Pour citer
Divay, G. (2012). « Déconcentration », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)

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